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vendredi 21 février 2020

"Crème Fraîche" façon Galien

Le grand et beau  Claude couronné de fleurs et d'abeilles par mes soins : 
             Ah, le Cérat de Galien! Toute une histoire celui là aussi! J'en ai rêvé, mais  reculant toujours, par manque de temps et de confiance, effrayée par la difficulté que  l'exercice représente... Et puis ... j'ai fini par le faire!  Et si se n'est pour moi un aboutissement aussi important que la saponification, et bien je peux dire que je suis plutôt satisfaite de lui aussi!


Tartine de culture à la (cold) crème

Si le Cérat de Galien  m'a séduite, c'est qu'il y avait plusieurs raisons : déjà c'est une recette  ancestrale, vraiment, puisque elle est attribué à  Claude Galien, le monsieur de la gravure ci dessus et  médecin greco-romain qui aurait soigné les plus grands parmi les grands, remise au goût du jour par les marques de l'industrie cosmétiques qui en ont fait un incontournable hivernal .

Sans vouloir m'avancer, il semblerait que son petit nom, Cold Cream (CC pour les intimes) viennent de l'
effet "frais" qu'elle produit à l'application. Elle est très nourrissante puisque elle est essentiellement composée de corps  gras et qu'on utilise la cire d'abeille comme émulsifiant, avec de  l'eau de de rose et parfois de la teinture de benjoince qui en fait un soin idéal  pour protéger les peaux sèches et réactives (genre la mienne au hasard) des rigueurs de l'hiver, ce qui en fait dans la théorie une super alternative aux oleogels qui ne sont plus suffisants pour moi  en cette saison et surtout, à ma crème dont je ne citerai pas le nom qui contient entre autres joyeusetés : de la paraffine...de la vaseline...de la cortisone ... Et que j'ai de toutes façons perdue égarée  quelque part je ne sais pas où encore.
C'est aussi ce qui fait d'elle une préparation difficile à réussir; la seule émulsion que j'ai faite à part de la mayo c’était la crème de Mon ami Mosa ratée en beauté, au point que  je ne voulais plus renouveler l'experience  depuis!

Pour info, le cérat de Galien  contenait aussi à l'origine du blanc de baleine et du borax, a priori utilisé comme antiseptique et émulsifiant (et conservateur?) 

Bien entendu, on se doutera que même si la chasse à la baleine était encore autorisée, je ne la cautionnerais pas et refuserait d'en utiliser; et pour le borax, j'ai appris qu'il était dangereux et qu'en réalité, même si on en met dans la "pâte à prout slime", il est censé être  manipulé selon un protocole rigoureux.

Cristaux de Borax

Alors j'ai essayé de trouver une "recette " la plus fidèle à celle d'origine  avec plusieurs sources : magazine ECM de l'hiver 2017 (la page n'est plus accessible)- et oui ça date!- , la documentation de l'ANSM...pour finalement concocter moi même ma petite mixture ...
 
Teinture de Benjoin maison

Comme je le mentionne souvent ici, plus je peux faire de choses moi même, plus je suis contente, même si ça prend plus de temps! j'étais donc déterminée  à fabriquer aussi ma propre teinture de Benjoin! Le benjoin c'est la résine d'une variété d'arbres appelée  "Styrax". Réputé pour ses vertus assainissantes et réparatrices,   on s'en sert aussi comme encens (il entre dans la compos du papier d'Arménie) et en parfumerie comme fixateur olfactif. Le  mien  c'est du benjoin du Siam.
Et une teinture  c'est le résultat d'une macération (d'extrait de plante ou animal hein)
  dans un solvant.  Ici comme c'est une résine (très dure) il faut utiliser de l'alcool pur, de préférence à 80°.


Par contre , il faut le savoir, c'est que l'alcool non dénaturé et non modifié, c'est une  énorme galère à se procurer pour les particuliers  parce que les pharmacies ne sont plus autorisées à en distribuer. J'ai vécu d'ailleurs un moment mémorable avec une pharmacienne hautaine qui rechignais à me vendre  ce que je voulais. J'ai eu de la chance de pouvoir m'arranger par la suite avec celle de mon quartier qui elle m'en a gracieusement proposé un échantillon de leur dernière bouteille. C'est donc toute enchantée et reconnaissante que je suis revenue de chez moi avec mes précieux 30ml d'alcool pur (à 90° du coup) .

Faire une teinture de Benjoin, en soit, c'est simple. J'ai suivi la méthode de Caly , avec la concentration du "Codex ",ouvrage de référence en  pharmacie, qui est de 1/5ième de  résine benjoin (du Siam donc) soit   20% de benjoin pour 80% d'alcool, (j'ai utilisé la moitié de ce qu'on m'a donné, soit 15ml)
Il suffit de mettre les fragments de résine dans l'alcool ( grossièrement concassés pour ma part) et ensuite .... et bien on attend 15 jours en secouant le flacon régulièrement, ce qui a a été d'ailleurs  chez moi sujet à plaisanteries, et il ne se passe rien de plus, à part filtrer la potion  pour retirer  les morceaux de benjoin.


                                               

                 
  Ma petite Cold Cream "à la manière de Galien".

J'ai trouvé le temps bien long à attendre ce délais de 15 jours à devoir me contenter de tripoter et secouer  mon petit flacon de teinture.
J'ai vraiment du prendre mon mal en patience!
Comme j'avais été arrêtée cette semaine là ( pour cause de Corona+dépression   état grippal + surmenage ) et que je n'avais pas le droit de sortir, j'ai envoyé mon père faire mon petit shopping  à ma place chez ma gentille herboriste. et j'ai pu me mettre à mes alambics une fois que ça allait un peu mieux.
La composition, retravaillée  à partir de mes différentes sources  est elle aussi plutôt simple :



-Huile d'Amandes Douces : 54%

- Hydrolat de Roses  : 29%
- Cire d'Abeilles blanche : 13%
- Teinture de Benjoin : 4%
- Conservateur Cosgard : 0.6% du poids total de la préparation

J'ai choisi ces composants non seulement pour rester au plus proche de la formulation traditionnelle mais aussi par "affinité" :  ma peau apprécie l'huile d'amandes douces et ceux qui me connaissent savent que j'adore le parfum de la rose. Bien entendu je pense qu'il est tout à fait possible d'utiliser d'autres hydrolats et huiles , adaptées aux goûts et besoins de chacun. 
Quant au Benjoin, c’était la première fois que j' en utilisais mais j'en connaissais déjà l'odeur via le fameux Papier d'Arménie qui en est imprégné! 


Si jusques ici toutes ces choses étaient  accessibles, la confection de la crème en revanche est bien plus difficile à réussir !  En effet, un cérat (ou cold cream donc) est l'intermédiaire entre le baume qui ne contient que des corps gras et la "crème " qui majoritairement composée d'eau. (source). De plus, je crois que la cire d'abeille est réputée pour être assez difficile à travailler en tant qu'émulsifiant unique.

Comme je n'étais pas du tout  certaine de mon coup, ( si on se rappelle de quelle façon j'ai paniqué pour l'Ami Mosa), je me suis référée au mode opératoire du site Joli'Essence, encore à ma portée.
Donc pour commencer, j'ai  fait fondre ma cire d'abeille dans mon huile d'amandes douces, au bain-marie et à feu le plus doux possible. Simultanément, j'ai chauffé mon hydrolat pour qu'il soit à une température équivalente; j'ai  dû emprunter la plus grosse casserole de Maman Ogg. Bien évidemment on n'oublie pas le coup de touilletouille régulier.


Une fois que ma  cire a complètement fondu, il m'a fallu être très réactive à partir du moment où j'ai sorti  mes récipients du bain-marie, pour procéder à  l'émulsion,sans évidement tout renverser dans la cuisine au passage;  là il ne faut pas attendre, et verser l'hydrolat progressivement dans la phase huileuse  et fouetter énergiquement pour que ça prenne. Comme pour la Crème de mon ami mosa ça avait pris des plombes, cette fois j'ai anticipé en préparant un récipient d'eau (très ) froide où poser mon pot d'émulsion pour accélérer le processus si jamais ça n'allait pas. Je n'en ai finalement pas eu besoin ....

              

Une fois que le mélange a pris, mais tant que la crème était  encore fluide, j'ai rajouté ma fameuse teinture de benjoin, et un peu après le conservateur .


Je ne sais pas si c'est le propre du cérat ou si c'est le cas des émulsions en  général, mais il y a un truc que   je trouve, assez traître : deja il faut fouetter vite, mais aussi longtemps. Et quand je dis ça, ça veut dire très longtemps.  Parce qu'à un moment j'ai pensé que ma crème avait bien pris  alors je l'ai transvasée dans son pot définitif. Et heureusement que j'ai vérifié un peu plus tard ce qu'il en était parce qu'elle déphasait déjà! Alors je m'y suis remise, toujours au fouet manuel, parce que c'était déjà trop épais pour utiliser l'émulsionneur. J'exagère peut être mais j'ai bien dû touilletouiller une heure avec mon mini fouet pour être certaine d'avoir un produit stable.


Résultat/impressions:

Et Bien je ne vais pas faire dans la modestie feinte, ce serait hypocrite, je suis particulièrement fière de moi! Je savais que c'était difficile et que je m'exposais à un possible échec et risquais entre autres un déphasage à posteriori de ma sorcellerie, et je me suis surprise moi même  en obtenant une crème  réussie agréable au toucher, blanche comme Snowy


Elle est certes très consistante mais pourtant légère, plus souple et plus pénétrante qu'une chantilly de karité, et donc plus agréable  et facile à appliquer..
Il suffit d'en mettre très peu, d'une parce qu'elle est très riche mais  aussi parce que je soupçonne qu'elle a un effet légèrement rubéfiant.  (qui dilate les capillaires sanguins). En effet, je n'ai pas  du tout senti l'effet "rafraîchissant" censé être caractéristique de la "cold cream " mais plutôt l'inverse, un léger réchauffement, certainement dû à l'alcool de la teinture de benjoin, mais pas aussi intense que l'échauffement ressenti  avec cet  Oléogel.
A mon avis on peut baisser le dosage de teinture voir carrément la supprimer sans problème.

Oh! Une Nanna sans filtre ni maquillage! 

J
e pense qu'elle est aussi idéale pour le corps, surtout en cas de "peau de croco" :  elle est plus difficile à étaler  en raison de sa texture tout de même assez ferme mais j'aime beaucoup l'effet "cocoune "produit !
Elle a beaucoup intéressé Maman Ogg qui a quelques rougeurs et désagréments de sécheresse cutanée en ce moment elle aussi , et qui l'utilisera donc avec moi : grâce à l'hydrolat de rose, elle doit tout a fait convenir aux peaux matures également.
 En revanche je la déconseillerai vivement aux peaux grasses/acnéiques vu sa richesse, et surtout si on utilise de l'huile d'amande douce, réputée  comedogène. 


Pour ce qui est de l'odeur, c'est aussi une surprise, mais je ne saurais dire si je la trouve bonne ou pas : alors que je m'attendais à ce que la rose de l'hydrolat puissante avec en arrière plan des notes d'encens, je pensais que leurs parfum serait suffisant; je ne  voulais pas utiliser de fragrance pour cette sorcellerie que je voulais la plus "naturelle" possible.
 Maman Ogg l'aime beaucoup, elle arrive à sentir le parfum de la rose  mais pas moi :  elle  sent exactement comme chez "jars dit lande", ou un fleuriste d'une manière générale, vraiment, je ne mattendais pas ça. 
Passé cette petite déception, je me suis dit que ce n'est finalement pas dérangeant, l'odeur est discrète, végétale , "naturelle" : 
ça passe crème!


Je suis vraiment satisfaite de mon cérat, soin traditionnel reformulé à ma façon.  Il nécessite effectivement  un certain savoir faire  mais j'aime beaucoup mon résultat, a l'instar de ses ingredient ,simples, peu transformés et j'aime énormément ce rendu très  "nature". 
C'est une experimentation d'autant satisfaisante qu'elle me permet de réaliser le chemin parcouru et  mes progrès  depuis mes débuts, d'il  y a quelques années...